Grâce au développement de la culture hors-sol, l'horticulture a pu s'étendre à diverses régions du monde, permettant aux agriculteurs de produire des récoltes abondantes et des cultures de qualité supérieure, et ce, malgré des conditions de croissance défavorables. En 1930, frederick gericke a employé le terme « hydroponique » pour désigner ce que l'on appelle aujourd'hui les systèmes de culture hors-sol. Ce terme décrit en fait la méthode employée pour fournir des solutions de nutriments minéraux (engrais dissous dans l'eau) pour soutenir la croissance et le développement d'une plante cultivée sans sol. Plus tard, l'appellation « culture sur support hors-sol » a remplacé le terme initial puisque le plus important élément du support peut se présenter sous forme solide ou liquide, avec des substrats organiques ou non.

En principe, le support hors-sol est un substrat faisant partie d'un système artificiel de culture dans lequel les plantes sont cultivées sans sol. Le support procure le soutien physique pour la plante, règle le débit d'eau, agit comme réservoir de nutriments et permet les échanges gazeux entre les racines et le support.

On classe les systèmes de culture hors-sol selon trois critères : le type de substrat utilisé (support hors-sol), la méthode d'application de la solution nutritive (irrigation en goutte à goutte, par circulation ou solution nutritive stagnante) et le mode d'évacuation de la solution après le drainage comme les systèmes ouverts (drainage libre) ou fermés (recirculation de l'eau). Les supports horssol peuvent être non organiques (sable, gravier, galets, perlite, laine de roche, vermiculite), organiques (écorces de riz, tourbe, sciure de bois, paille, fibre de coco) ou synthétiques (flocons, éponges, fibre plastique capable d'absorber l'humidité). Grâce au large éventail de supports hors-sol, l'horticulture a pu se développer partout dans le monde, permettant aux fermiers de produire des plantes alimentaires et ornementales et de générer des récoltes abondantes tout en vendant des produits de qualité supérieure (Gruda, 2009).

La qualité du support hors-sol se base sur plusieurs indicateurs. L'évaluation varie d'une région à l'autre, en fonction de l'opinion de chaque cultivateur ainsi que leurs objectifs de gestion des facteurs comme la productivité, la qualité, le recyclage des déchets et la durabilité. Pour ce qui est de la qualité du support hors-sol pour la culture, il faut prendre en considération les propriétés physiques, chimiques et biologiques lorsqu'on évalue le fonctionnement du système.

Exigences de base pour un bon support de culture

On utilise les supports hors-sol en horticulture partout dans le monde. Le choix des indicateurs est moins complexe en culture hors-sol, car le sol a plusieurs utilités (agriculture, foresterie, ingénierie, récréation, construction, etc.), en fonction des propriétés physiques et chimiques. Par exemple, les indicateurs de qualité d'un sol pour un projet de construction diffèrent d'un sol destiné aux activités agricoles. Les indicateurs qui définissent un bon support de culture visent toujours les activités agricoles.

On utilise plusieurs types de supports hors-sol en horticulture et la sélection dépend principalement des compétences et de l'expérience du jardinier, de la disponibilité et du coût. Dans le cadre du septième programme-cadre de l'Union européenne, le projet EUPHOROS (Efficient Use of Inputs in Protected Horticulture) (Pardossi et coll., 2011) on mentionne que le support hors-sol idéal devrait présenter les propriétés physiques et chimiques suivantes:

  • Une texture uniforme qui offre un bon drainage, mais qui retient les nutriments et l'eau pour le système racinaire.
  • Une faible densité apparente facilite l'installation et le transport (entre 190 et 700 kg/m3).
  • Une porosité élevée (entre 50 % et 85 %).
  • Une distribution des grandeurs de particules pour maintenir un bon équilibre entre la rétention d'air et d'eau (entre 0.25 et 0.5 mm).
  • Un pH facilement ajustable entre 5.0 et 6.5.
  • Une faible teneur en sels solubles.
  • Une inertie chimique, c'est-à-dire que le substrat n'a aucun effet sur la solution nutritive en relâchant des ions inorganiques ou en immobilisant les nutriments.
  • Une habileté à conserver les caractéristiques d'origine afin que le support puisse être utilisé durant plusieurs cycles de culture consécutifs.
  • L'absence de pathogènes, d'indésirables (sans nécessairement être stérile) et de composés toxiques pour les plantes.
  • Une habileté à produire des lots uniformes (pour permettre l'emploi de programmes de fertilisation constants).

En plus des qualités énumérées ci-dessus, les supports hors-sol de bonne qualité ont aussi la capacité de se remettre des erreurs de jardinage comme les arrosages excessifs et les fertilisations abondantes, comme le précise Stan Claasen (un horticulteur néerlandais – communication personnelle).

En comparant les principales caractéristiques physiques et chimiques des supports de culture hors-sol les plus largement utilisés (voir le tableau 1), on obtient un résumé des avantages et des inconvénients associés à chaque substrat, en plus d'offrir la possibilité de les combiner.

Tableau 1: Caractéristiques physiques et chimiques des supports hors-sol (adaptation de Jonhson [année inconnue]; Abad et coll. [2005] et Asiah et coll. [2004]).

SUBSTRAT DENSITÉ APPARENTE RÉTENTION D'EAU POROSITÉ CAPACITÉ D'ÉCHANGE CATIONIQUE VITESSE DE DÉCOMPOSITION (C:N)
Bagasse Faible Élevée Faible Moyenne Élevée
Sciure de bois Faible Élevée Moyenne Élevée Élevée
Écorce de riz Faible Faible Élevée Moyenne Moyenne
Vermiculite Faible Élevée Moyenne Élevée Faible
Tourbe de sphaigne Faible Élevée Élevée Élevée Moyenne
Écorce Faible Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne
Poussière de noix de coco Faible Élevée Élevée Moyenne Faible
Sable Élevée Faible Moyenne Faible Faible
Unités (g/cm3) % % (meq/100g) Rapport
Faible 0,25 20 5 10 1:200
Moyenne 0,25 - 0,75 20-60 5-30 10-100 1:200 - 1:500
Élevée 0,75 60 30 100 1:500

Si on utilise la bagasse seule (un mélange de canne à sucre et de résidus de pâte), le haut taux de rétention d'eau et la faible porosité risquent d'offrir une mauvaise aération et un drainage déficient. D'un autre côté, l'écorce de riz offre une faible rétention d'eau et une grande porosité ce qui provoque un stress hydrique chez la plante s'il est employé seul. Comme les écorces de riz et la bagasse se décomposent très rapidement, ils ont besoin d'un régime de fertilisation riche en azote pour éviter que les microorganismes et les plantes se disputent l'azote disponible. Lorsque l'on observe les caractéristiques de chaque support hors-sol, on s'aperçoit que les combinaisons offrent généralement une alternative satisfaisante pour les jardiniers. Cependant, on ne combine pas les substrats uniquement en se fondant sur la disponibilité et les économies, il faut prendre en considération les quelques propriétés de base exprimées dans le tableau 1.

Un substrat qui soutient les plantes et contrôle le débit d'eau

La densité apparente reflète la capacité à fonctionner comme support structurel, le mouvement de l'eau et du soluté ainsi que l'aération. Elle exprime le poids du sol ou des particules en termes de volume. Le poids du sol ou du support se calcule donc en considérant les solides et l'espace lacunaire. Si l'espace lacunaire est très faible, le sol ou le support de culture risque fort de souffrir de compaction (image 1).

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What makes a good-quality soilless growing medium
Image 1: La rétention d'eau et la porosité sont deux indicateurs importants pour les supports de culture. Ils doivent être bien équilibrés afin d'optimiser le débit de la solution nutritive vers la plante. Lorsque l'on utilise de la bagasse (1) seule, son haut pouvoir de rétention d'eau et sa faible porosité entraînent une mauvaise aération et un drainage déficient. L'écorce de riz (2) offre une faible rétention d'eau et une porosité élevée ce qui provoque un stress hydrique chez la plante s'il est employé seul.

Les sols minéraux ont en moyenne une densité apparente de 1 400 kg/m3 avec environ 47 % d'espace lacunaire. Ceci est comparable au support de culture hors-sol comme la tourbe de sphaigne et la vermiculite qui possède une densité apparente de 125 kg/m3 et environ 93 % d'espace lacunaire. La fibre de coco a une densité apparente de 40 à 80 kg/m3 et environ 87,5 % d'espace lacunaire (Argo, 1998). Ces chiffres démontrent le grand écart qui existe entre les divers supports de culture en sol ou hors-sol. Les supports en sol sont plus lourds alors que les supports hors-sol sont plus légers et facilitent le transport et la manutention. Toutefois, ceci se répercute sur d'autres indicateurs comme la porosité et la rétention d'eau.

Une faible porosité jumelée à une grande rétention d'eau produirait une aération déficiente et un mauvais drainage. À l'inverse, les plantes cultivées dans un support offrant une porosité élevée et une faible rétention d'eau risqueraient de souffrir d'un stress hydrique. Ces indicateurs ont de l'importance pour le support de culture, car il doit offrir un bon équilibre afin d'optimiser le débit de la solution nutritive vers la plante. Dans les sols d'origine naturelle, ces indicateurs se contrôlent plus difficilement étant donné les pentes, la texture et les conditions climatiques.

Durant la culture, les indicateurs présentés ci-dessus (porosité et rétention d'eau) peuvent changer en raison de la décomposition de la matière organique, des activités racinaires, du gonflement et du rétrécissement des particules de substrat et du processus de compaction. Toutefois, les modifications physiques peuvent se produire uniquement après un ou deux cycles de culture, compte tenu de la nature du substrat et du type de culture, ce qui permet la réutilisation du support (Pardossi et coll., 2011).

Un débat subsiste parmi les scientifiques. Certains croient que le rendement de la culture est affecté par la réutilisation d'un support, alors que d'autres affirment que les différences sont quasi négligeables. En se fondant sur les propriétés physiques du support de culture, le concept de réutilisation du substrat s'appuie généralement sur des arguments écologiques, alors que la rentabilité prévaut comme objectif principal chez les jardiniers.

Un support qui sert de réservoir nutritif

Le sol contient des écosystèmes très variés remplis de micro-organisme et d'oligoéléments, dont les communautés de végétaux. Ils entretiennent une interaction complexe et équilibrée ce qui permet aux plantes et aux animaux vivant dans le sol de survivre ou de se rétablir sans l'intervention des humains. Le rendement peut toutefois être aussi élevé qu'avec les supports de culture hors-sol qui nécessitent une intervention humaine.

La principale différence entre les supports de culture hors-sol et les substrats en sol se trouve dans la présence d'une diversité de biotes dans le sol et de matière organique. Dans le sol, la quantité de matière organique représente le plus important indicateur de la qualité du sol. Lorsque la matière organique, comme le fumier ou les résidus de culture, entre dans le sol, les composés carbonés dans le substrat se décomposent à différentes vitesses. Ce processus de dégradation varie selon les propriétés de la matière organique introduite, les populations de biotes dans le sol (organismes vivant dans le sol) et les circonstances physiques et chimiques (taux d'humidité, température, pH, etc.) qui affectent la dégradation, le taux de décomposition et la libération des nutriments. Plus il y a décomposition dans le sol, plus l'activité des biotes augmente et plus les bénéfices biologiques de la culture sont riches (Janzen, 2006).

Les supports de culture manquent de biotes et de substrats organiques ce qui génère parfois de la matière organique mais généralement que partiellement dégradée.

Étant donné le manque de biotes telluriques et de matière organique facilement décomposable dans la culture horssol, il faut fournir un apport constant de nutriments dans la solution nutritive. Avec la culture en sol, les nutriments sont relâchés au fur et à mesure que la matière organique se décompose. Par conséquent, les indicateurs comme la rétention d'eau et la porosité deviennent beaucoup plus pertinents avec la culture hors-sol. La clé d'un système d'irrigation en culture hors-sol se cache dans la solution nutritive. Elle contient des micronutriments et des oligoéléments dissous selon diverses concentrations. On a développé des formules normalisées pour une variété de cultures comme les tomates, les concombres ou les fraises. Toutefois, rien ne nous empêche d'ajuster ces formules en fonction des conditions climatiques prédominantes (évaporation de l'eau en surface du support et température), de la qualité de l'eau, de l'emplacement et du stade de croissance.

L'inertie chimique est une autre caractéristique des supports de culture qui le différencie considérablement des sols minéraux. En principe, on n'a pas à appliquer tous les éléments aux sols minéraux, alors qu'avec les supports hors-sol, il faut fournir tous les nutriments, sauf le carbone, l'azote, l'oxygène, car ces derniers sont dérivés de l'eau et de l'air. En conséquence, l'application en continu d'une solution nutritive dans les systèmes de culture hors-sol mène à l'accumulation de sel et aux déséquilibres ioniques dans le substrat.

Telle que mentionnée plus haut, l'application d'une solution nutritive en continu, surtout dans les systèmes d'irrigation fermés, peut entraîner l'accumulation rapide de sodium et de chlore ainsi qu'un changement du pH initial et un déséquilibre nutritif. Conséquemment, la conductivité électrique, ou la concentration d'éléments toxiques, augmente et peut menacer le développement de la plante. Les systèmes d'irrigation ouverts offrent une bonne alternative pour ralentir le problème d'accumulation de sel, mais avec ce choix vient une perte massive d'eau et de nutriments, ce qui augmente les coûts de production et contamine l'eau souterraine et de surface de votre région (Pardossi et coll., 2011).

Le dilemme continuel entre le désir d'augmenter la productivité et la motivation à vouloir protéger l'environnement est à la base de la Directive sur le nitrate de l'Union européenne (1991) qui suggère l'utilisation de systèmes d'irrigation fermés pour encourager l'horticulture durable, surtout en réaction aux préoccupations liées aux fortes concentrations de nitrate dans l'eau de drainage provenant de la culture hors-sol. La recirculation de la solution nutritive est recommandable jusqu'à ce que la conductivité électrique ou la concentration d'ions potentiellement toxiques atteigne une valeur maximale acceptable. Ensuite, on recommande de remplacer (en partie ou en entier) le système d'irrigation.

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Voici une microscopie à balayage électronique en couleurs de la bactérie Bacillus mageterium. Cette bactérie que l'on retrouve dans le sol est l'une des plus grosses cellules bactériennes. Comme les supports hors-sol ne possèdent pas de biotes (organismes vivant dans le sol), il faut constamment fournir des nutriments à l'aide d'une solution nutritive.

Un support de culture et un environnement sains

La façon dont on dispose des supports hors-sol après la culture présente une menace potentielle à l'environnement puisque ces derniers peuvent contenir des pesticides, des résidus plastiques ou des déchets de culture avec des maladies qui peuvent se répandre (Pardossi et coll., 2011). On recommande fortement la réutilisation d'un support pour réduire les coûts d'élimination et de production, mais la dissémination potentielle de maladies telluriques demeure une préoccupation importante.

On ajoute parfois des agents de contrôle biologique aux supports de culture hors-sol afin d'introduire des communautés microbiennes et prévenir les populations de pathogènes, pourtant, ce geste ne garantit en rien la prévention (Pardossi et coll., 2011). Le sol est pourvu d'un réseau très complexe de communautés microbiennes capables de soutenir les organismes pathogènes ainsi que les organismes bénéfiques. Leur interaction constante crée un équilibre dans le sol ce qui permet aux plantes de croître. Sans sol pour agir comme agent tampon, tout échec de contrôle ou de prévention des pathogènes mènerait à une chute rapide des récoltes. En culture hors-sol, il faut porter une attention particulière à la prévention des pathogènes racinaires.

Si le jardinier choisit de réutiliser son substrat afin de réduire ses déchets, il se doit d'assurer une bonne prévention contre les indésirables et les maladies pour les cycles de croissance subséquents. Ceci devient alors un enjeu plus pertinent et plus dispendieux que la résolution des problèmes de salinité excessive ou de pH qui sont plus simples à régler. Les traitements à la vapeur et la solarisation ou les contrôles chimiques (application de fongicides) sont les méthodes les plus communément utilisées pour traiter les supports de culture en vue de les recycler.

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La densité apparente : l'unité volumique représentant les solides et l'espace poreux. Plus la densité apparente est élevée, plus le sol est compact et moins il y a d'espace poreux dans le sol ou le support.

Conclusion

Revenons donc à la question générale : en quoi consiste un support de culture hors-sol de qualité? Il faut prendre plusieurs facteurs en considération, notamment les objectifs du jardinier, la région d'origine du substrat, l'endroit où il est utilisé et le type de substrats. Difficile et même irréaliste de s'en tenir à une réponse générale.

Nous avons discuté des propriétés physiques, chimiques, biologiques et pratiques visant à identifier les caractéristiques d'un bon support hors-sol. Essentiellement, le substrat doit.

  • Fournir un soutien structurel à la plante
  • Régler le débit d'eau
  • Servir de réservoir de nutriments
  • Offrir un environnement sain pour la croissance de la plante

En bref, les éléments suivants caractérisent un support de culture de bonne qualité:

Les aspects physiques incluent une faible densité apparente (entre 190 et 700 kg/m3), une porosité élevée (entre 50 % et 85 %), des particules entre 0.25 et 0.5 mm et une rétention d'eau entre 20 % et 60 %.

Les aspects chimiques représentés par la CEC (entre 10 et 100 me/100 g), un pH facilement ajustable (entre 5 et 6.5), une faible teneur en sel (entre 0.75 et 1.9 dSm‑1) et un rapport C:N entre 1:200 et 1:500.

Les aspects biologiques indiquent la condition de santé du support de culture par l'absence d'agents pathogènes, d'indésirables et de composés toxiques.

Les aspects pratiques comme la capacité du support de culture à se remettre d'une erreur faite par le jardinier, à conserver ses caractéristiques d'origine (convient à la réutilisation) et à produire des lots uniformes. Tous ces facteurs se valent au moment de choisir le bon support de culture hors-sol.